La biohistoire au tournant du XXIème siècle


Dans tous les domaines de recherche où la biohistoire s’est immiscée au tournant du XXIe siècle, la notion y apparaît toujours comme une démarche intellectuelle entre nature et culture s’affranchissant du fossé creusé entre les sciences de la vie et les sciences humaines ou sociales dans le monde académique.

Le mot "biohistory" semble apparaître au début des années 1950 dans un contexte d’histoire des sciences biologiques sous la plume de Frans Verdoorn (1906-1979), un botaniste hollandais émigré outre-Atlantique qui fonde de retour aux Pays-Bas le Biohistorical Institute à l’Université d’Utrecht en 1958. La notion s’épanouit dans les sciences environnementales à la fin des années 1980. Après des études vétérinaires, puis des recherches en bactériologie et en immunologie, Stephen V. Boyden, né à Londres en 1925, dirige des travaux pionniers d’écologie humaine sur la ville de Hong Kong et publie en 1987 Western civilization in biological perspective : patterns in biohistory (Oxford University Press). Le professeur à l’Australian National University publie en 1992 Biohistory : The interplay between human society and the biosphère : past and present (Unesco & Parthenon Publishing).

Aux États-Unis où cette dimension "histoire de l’environnement" est également présente, les recherches biohistoriques désignent souvent des études et analyses de matériaux humains utilisées tout aussi bien pour répondre à des questions concernant le comportement de personnages historiques, leurs maladies, causes de décès ou filiation, que pour authentifier des restes organiques ou des artefacts. Mais il existe encore dans ce pays où le mot est le plus ancien et le plus usité, une acception plus ambitieuse de la biohistoire que ces investigations "médico-légales" et environnementales. Pour un nouveau courant d’historiens nord-américains, il s’agit en effet de tracer une nouvelle voie de recherches qui tienne compte de la biologie et de l’évolution de l’Homme, aux cotés de l’archéologie et de l’anthropologie, tout en reconnaissant les dangers et excès passés auxquels a conduit par exemple le darwinisme social. Si ces biohistoriens entendent se garder de tout déterminisme biologique excessif ils souhaitent cependant mettre à profit les récents acquis de la sociobiologie ou de la psychologie évolutive. Pour Robert S. McElvaine, professeur au Millsaps College à Jackson (Mississippi) : "We must stop throwing the Darwinian baby out with the racist and sexist bathwater" !

"The relevance of biohistory"
 
La première occurrence repérée du mot "biohistoire" dans la langue française se trouve dans La Volonté de savoir (Gallimard, 1976), premier volume de l’Histoire de la sexualité de Michel Foucault (1926-1984) qui reprend les idées d’une conférence prononcée au Brésil en octobre 1974. Le néologisme apparaît dans une analyse de la médicalisation de la société et est en lien avec la notion de "biopolitique", précédant la formulation de celle de "biopouvoir".  Le philosophe français énonce :"Si on peut appeler biohistoire les pressions par lesquelles les mouvements de la vie et les processus de l’histoire interfèrent les uns avec les autres, il faudra parler de "biopolitique" pour désigner […]"

Le projet français de biohistoire des papillons prend naissance dans un contexte conceptuel tout à fait environnementaliste clairement énoncé par Christian Perrein en juillet 1991, suite à son étude d’Archéologie des bocages souhaitant en 1987 "un plus large développement des recherches biohistoriques". En effet pour Ch. Perrein, la biohistoire est une "histoire du vivant à l’échelle de l’humanité" ou autrement dit une "histoire de l’artificialisation de la biosphère". Il conceptualise également la notion de technotope.

Quelques extraits pour comprendre le concept de technotope (fichier PDF)

► Congrès IALE 1993 (Rennes) : Biohistory and technotope - Biohistoire et technotope (fichierPDF)

► Dans Le Monde du 14 septembre 2000 : PERREIN Christian, Où sont les biohistoriens ? (fichier PDF)

► PERREIN Christian & GUILLOTON Jean-Alain, 2003, Biopatrimoine et technotope : le cas des lépidoptères rhopalocères de l’hippodrome de Mespras en Forêt domaniale du Gâvre (Loire-Atlantique), Revue Forestière française 55 (1) : 34-46 (fichier PDF)

► Dans Le Monde du 20 septembre 2003 : PERREIN Christian, Un grand Muséum de France (fichier PDF)

 En 1989, la biochimiste japonaise Keiko Nakamura propose le concept de "biohistory" et fonde en 1993 le Biohistory Research Hall à Takatsuki, entre Osaka et Kyoto, dans un luxueux immeuble où les lieux d’exposition et galeries côtoient les laboratoires de recherches en biologie moléculaire pour offrir de nouvelles perspectives de relations entre les sciences et la société.

Une visite du Biohistory Research Hall